Musicien et poète, le « goussan » aurait pour équivalent dans la culture européenne, suivant les époques ou selon les conditions qui lui sont faites, l’aède de l’antiquité, ou le troubadour du Moyen Âge. Le « goussan » est reconnu de tous comme musicien et poète (selon les cas, d’avantage l’un ou l’autre) : il n’a pas d’autre statut (à la difference de ce qui se passe dans la musique de tradition populaire).

Au cours des siècles, la musique prendra peu à peu une dimension prépondérante et l’on verra alors se créer des ensembles, des groupes de « goussans ». Leurs voyages les mettent en contact avec les répertoires orientaux du monde qui les entoure et ils sont parfois amenés à improviser à l’instrument sur les modes des cultures environnantes.

La transmission du répertoire des Goussan s’est faite en partie par écrit, du moins pour les paroles, (la partie poésie), mais aussi, dans les derniers siècles, (bien que souvent sous forme d’ esquisse), pour la musique.
Il y aura aussi des écoles de « goussans », une transmission à des disciples garants d’un style donné, ou, dans le Caucase, des concours (médjlis) entre écoles de lieux différents, au cours desquels les musiciens se répondent, ou doivent improviser sur un thème donné.

Au 20ième siècle, en Arménie, le répertoire, connu, souvent joué, s’est un peu figé.
C’est pour cette raison, que Gaguik a volontairement fondé un groupe avec des musiciens jeunes pour accomplir un travail orginal en dehors des carcans de la musique écrite. Il veut explorer avec eux les couleurs nouvelles qu’il convient selon lui de donner au répertoire -qu’il connaît parfaitement-, afin qu’il demeure vivant, mobile. Ses chanteurs peuvent être amenés à chanter en solo, en duo ou en trio et il a tenu à ce que chacun puisse s’accompagner comme le « goussan » d’autrefois (et l’aède) à l’instrument.
Les rôles ne sont pas fixes, les interprètes peuvent jouer à trois ou à cinq : le groupe peut être divisé pour évoquer le « médjlis » où chacun doit briller par ses qualités propres dans un solo instrumental improvisé.
Gaguik Mouradian voudrait s’inscrire avec son groupe dans la lignée des Goussans qui interprètent en toute liberté, et se réapproprient ce qui existe, en y ajoutant une pensée musicale et une expérience propres. Il veut à la fois retrouver, et renouveler un genre.

Il souhaite introduire une dynamique et une qualité sonore nouvelles, travaillées à la lumière de ses récentes créations musicales.